Comment redefinir la notion de « religion » à l’epoque postmoderne ?
Workshop
Colloque organisé par l’Institut de Science et de théologie des religions et la Faculté de Sciences sociales, d’Économie et de Droit
Institut Catholique de Paris
21 Rue d’Assas 75006 Paris France
5 et 6 avril 2024, 9h - 18h
Jérémy Ianni participera au colloque le samedi 6 avril à 16h avec une intervention intitulée « De la théologie au psycho-religieux : une étude des praxis religieuses à partir du cas d’une fraternité de dénomination Born Again aux Philippines ».
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La notion moderne de religion a émergé au XVIIIe siècle puis s’est imposée dans les sciences humaines et historiques. Née dans le contexte des Lumières, elle a en quelque sorte fait asseoir « la vraie religion » (le christianisme) auprès des autres traditions. Ce rapport dialectique et ambigu des sciences des religions avec le christianisme marqua la modernité.
Une telle relation s’explique dans le contexte du processus de sécularisation par lequel le politique a voulu échapper aux luttes « confessionnelles », germes de divisions pour des nations en voie d’affirmation. Paradoxalement, l’idée de « religion » serait le fruit de la sécularisation et non sa préparation En effet, l’emploi de la notion de religion permet une mise à distance des traditions religieuses d’avec la culture et le politique et, en tant qu’elle signifie l’objet d’une science, à les désacraliser. Aujourd’hui, est-il encore légitime de présenter des traditions religieuses selon la notion moderne et crypto chrétienne de la religion ? Dans un contexte qui accorde une estime plus marquée aux cultures et traditions extra européennes, ne faut-il pas déseuropéaniser la réalité cachée derrière le terme « religion », pour laisser la place à plus de diversité ?
Certes les tentatives de revenir à l’idée de la transcendance avec la phénoménologie des religions ont pu favoriser un élargissement à une diversité d’expériences religieuses. Cependant, leurs protagonistes ne pouvaient tout d’abord pas dissimuler leur origine chrétienne, bien plus ils réintroduisaient une part de non rationnel dans la science. Si le transcendant verse dans l’irrationnel, la théologie, en revanche, serait alors la manière de légitimer scientifiquement la science du religieux. Or, la théologie n’est-elle pas l’apanage des « confessants » et des religieux, plus prompts à justifier leurs propres croyances, qu’à les remettre en question dans une démarche scientifique ?
Une autre voie, indirecte et plus modeste, consisterait à penser les « religions » par un détour : les considérer dans le rapport au monde postmoderne, fragmenté, multiculturel, à la fois néolibéral et identitaire, mondialisé et localisé, marqué par le « wokisme », mais surtout par la crise écologique…Par le détour des relations qu’elles entretiennent avec ce monde et la manière dont elles y réagissent, il s’agirait de caractériser les traditions religieuses et d’y repérer de quelles visions spécifiques du monde elles sont porteuses et dans quels récits elles veulent y faire entrer l’humanité. Nous aboutirions ainsi à montrer comment les religions traduisent et déchiffrent, chacune à sa manière, le monde du XXIe siècle et à mieux cerner la notion de « religion ».
4 March 2024