Les enjeux de l’internationalisation de l’enseignement supérieur en Asie du Sud-Est : Singapour et la Malaisie, des nouveaux pôles mondiaux de fabrication des élites ?
Auteur : Stef, Jimmy
Sous la direction de : Catherine Blaya et Valérie Erlich
Université côte d’Azur
Texte français
Mots clés : Sociologie, Asie du Sud-Est, Singapour, Malaisie, sociohistoire, Politiques d’internationalisation, Fabrication des élites, Mobilité étudiante, Enseignement supérieur, Asie du Sud-est, Éducation et mondialisation.
Résumé
Cette recherche a pour objectif d’analyser l’impact des dynamiques d’internationalisation sur les systèmes d’enseignement supérieur en Asie du Sud-Est au cours des cinquante dernières années, en se focalisant tout particulièrement sur Singapour et la Malaisie. En empruntant une grille d’analyse qui relève d’une approche sociohistorique et de la théorie des élites, elle analyse les processus sociaux, économiques, politiques ayant conduit aux reconfigurations de la structuration des formations d’enseignement supérieur dans ces deux États et au renouvellement des modes de fabrication de leurs élites. Elle invite également à prendre part aux discussions sur les dispositifs d’évaluation et de classement qui participent à mettre en place un marché de l’enseignement supérieur concurrentiel dans le monde. À partir d’une grille de lecture qui multiplie les niveaux d’analyse et sur la base d’une enquête de terrain qui repose sur un design de méthodes mixtes combinant matériaux qualitatifs (archives documentaires, entretiens auprès d’acteurs institutionnels, corpus de discours politiques, observations in-situ d’événements internationaux) et matériaux quantitatifs (analyses secondaires de données statistiques des flux de mobilité étudiante, enquête quantitative auprès d’étudiants internationaux), la thèse analyse l’internationalisation des systèmes éducatifs singapouriens et malaisiens selon deux dynamiques : une internationalisation de l’enseignement supérieur « orientée vers l’intérieur » (inward-oriented higher education internationalization) qui implique l’importation de connaissances, de cultures, de modèles et de normes d’enseignement supérieur étrangers dans le but de valoriser l’identité nationale et une internationalisation « orientée vers l’extérieur » (outward-oriented) destinée à attirer les étudiants internationaux les plus dotés scolairement et à occuper une place majeure sur le marché mondial de l’éducation pour valoriser l’image du pays à l’international. L’universalité de l’internationalisation est remise en question dans la thèse par les spécificités nationales et le polymorphisme institutionnel des organisations universitaires et d’enseignement supérieur. La plus grande complexité du sens des circulations étudiantes interroge globalement sur les transferts de savoirs dans le monde au profit d’une reconfiguration multidimensionnelle imbriquant des logiques multiples (économiques, religieuses, ethniques, sociales, etc.) dépassant les homologies établies jusqu’alors. L’impact de l’internationalisation des formations sur la stratification interne au champ de l’enseignement supérieur à Singapour et en Malaisie montre ensuite une segmentation des publics entre universités publiques et universités privées donnant lieu à une distinction entre des élites publiques et des élites privées. Enfin, la recherche soulève la question du positionnement des deux systèmes d’enseignement supérieur sur le marché international de l’éducation. Les élites étatiques de ces deux pays se sont engagées dans une politique d’attractivité de leurs formations pour leur permettre d’accéder au nouveau statut de pôles mondiaux d’enseignement supérieur. Pour autant, les intérêts stratégiques et les positionnements nationaux des deux États divergent en matière de politiques publiques, de normes, de réglementations et de législations amenant à considérer deux modèles d’internationalisation différenciés qui conditionnent les circulations étudiantes entrantes dans ces pays : l’enseignement supérieur singapourien apparaît comme un modèle d’excellence à la croisée des « mondes » occidentaux et orientaux qui capte non seulement les élites talentueuses et fortunées asiatiques, mais également internationales ; l’enseignement supérieur malaisien représente un modèle hybride international participant à faire émerger des élites ethnico-raciales et musulmanes.