n°19 - Pouvoir et médiatisation. Rituels de résistance et guerre psychologique en contexte birman de révolution
Chloé Baills
IRASEC, Bangkok
août 2024, 14 p.
Texte français
Après le coup d’État du 1er février 2021 en Birmanie, des modalités d’action rituelles ont été médiatisées par la résistance, dans la rue et sur les réseaux sociaux, pour agir contre les militaires. Ces modalités d’action rituelles, largement répandues dans la société birmane et bouddhique, ont servi de support à des interprétations variées : guerre psychologique contre les militaires, outil de dénonciation de leurs croyances présumées, manipulation de forces puissantes, révolution féministe, etc. La circulation des contenus rituels dans l’espace public et sur internet, réémergeant parfois dans les médias dits traditionnels, resurgissant réinventés ou transformés dans l’espace public, voyageant dans les réseaux de la diaspora en exil, a constitué un moment inédit de la révolution birmane et s’est révélée efficace, dans les premiers mois du coup d’État, pour résister face à la violence imposée par les militaires. La lecture polysémique de ce moment qui mobilise le rituel mais n’est pas revendiqué comme tel par une partie de la résistance, permet de saisir ce qui se joue en contexte globalisé et médiatisé de révolution. En situation de violence, ces techniques rituelles sont utilisées, politiquement, pour dénigrer les militaires et pour leur faire peur, tout autant que comme mani่re birmane d’agir sur le monde. L’originalité de ce moment réside cependant dans sa médiatisation : l’ensemble dialogique qui a émergé entre contenus rituels, formes dérivées réinventées et leurs interprétations, constitue ainsi une dynamique rituelle en tant que telle. Cette mobilisation rituelle est intrinsèquement efficace pour résister aux militaires et permet à une communauté de résistance, à l’intérieur de la Birmanie ou déterritorialisée dans les réseaux de la diaspora en exil, de s’inventer à travers un langage commun.
Lire la note :
Chloé Baills est doctorante en anthropologie à l’EPHE, rattachée au CASE et au GSRL et Doctorante associée à l’IRASEC (2023-2025).