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CROSSDEV-SEA

Approche trans-sectorielle du développement en Asie du Sud-Est : comment les organismes de développement, les universitaires, les populations et les pouvoirs publics accroissent leur co-intervention dans les affaires sociales.

(Projet de recherche de Gabriel FACAL, directeur adjoint et chercheur à l’IRASEC)

 

Au cours de la dernière décennie, les organisations de la société civile (OC, ONG, fondations, groupes de réflexion, entreprises sociales et cabinets de conseil en recherche et formation sur le développement) ont subi l’affaiblissement de leurs financements (Sciortino 2018). Ce phénomène est en partie lié au passage de plusieurs pays d’Asie du Sud-Est du statut de pays pauvres à celui de pays à revenu intermédiaire (supérieur). Dans le même temps pourtant, les inégalités de croissance se sont accrues. De leur côté, les universitaires ont subi une dynamique générale d’individualisation des profils professionnels. Ils évoluent dans un contexte régional où la norme est basée sur les classements des universités et de la recherche, la bibliométrie et les indices de citation, mais aussi où le secteur privé (et particulièrement le secteur commercial et publicitaire) représente un débouché important pour les jeunes chercheurs en sciences sociales. Cette tendance importante implique une plus grande internationalisation, mais moins de force de cohésion dans les laboratoires locaux, moins de contact avec les communautés sur le terrain, et enfin un espace d’initiative individualisé concernant la collaboration intersectorielle au lieu de projets d’équipe à long terme. On attend également des universitaires qu’ils communiquent davantage avec le public en dehors du milieu universitaire, par le biais de la publication en libre accès, de la diffusion des médias numériques et d’autres outils de diffusion plus conventionnels, comme la radio, la presse et la télévision.

Dans ce contexte de double pression, pour surmonter les difficultés matérielles et les écueils intellectuels, la reconversion intersectorielle peut offrir des opportunités de travail à la fois aux acteurs du développement (qui se convertissent en universitaires ou s’adressent à de nouveaux types de financeurs) et aux universitaires (qui augmentent leurs chances d’attirer des consultants et des financements privés pour leur doctorat ou leur carrière). Les acteurs du développement peuvent bénéficier du recours aux scientifiques pour accroître l’intégration de leurs projets et les inscrire dans une compréhension plus systémique de l’environnement social dans lequel ils sont mis en œuvre. Ils peuvent également gagner en autonomie en s’appropriant les outils méthodologiques des universitaires ainsi que leurs leviers conceptuels pour mieux comprendre les significations locales de notions telles que celles de hiérarchie, de mutualisation ou de communs. Pour tous, le dialogue intersectoriel peut renforcer la légitimité pour s’adresser aux autorités publiques et faciliter les demandes de projets communs, comme cela apparaît dans les exigences de plusieurs schémas de financement internationaux (BAD, Banque mondiale et ONU, ou des fondations comme les fondations Asia, Ford, Open Society, Rockfeller et Spencer). En définitive, ces croisements peuvent augmenter la qualité des programmes, en les alignant mieux sur les besoins et les attentes des populations en matière de renforcement des capacités de protection de l’environnement, d’autogestion des ressources, d’éducation ou d’alphabétisation numérique.

CROSSDEV-SEA vise à aborder les expériences mises en œuvre dans différentes entités en charge de ces approches intersectorielles du développement à travers l’Asie du Sud-Est (Thaïlande, Indonésie, Malaisie et Philippines). La nouvelle dynamique impulsée par ces entités sera analysée en tenant compte de leurs hypothèses initiales, des pratiques inédites qu’elles entendent mettre en œuvre, des écueils qu’elles ont rencontrés et des contradictions potentielles auxquelles elles sont susceptibles d’être confrontées. Au sein de cette démarche de recherche, collaborative, le consortium scientifique inclut des partenaires institutionnels universitaires qui réfléchiront aux passerelles possibles entre le monde académique et le développement, tant sur le plan théorique, méthodologique et éthique qu’en termes d’opportunités professionnelles et de trajectoires individuelles.