Mutual intelligibility and receptive multilingualisme between closely related languages (MURMURS) (2021 - 2025)
(Projet de recherche de Jérôme Samuel, directeur de l’IRASEC)
Ce projet de recherche vise à mieux comprendre la dimension régionale des Malais à l’heure actuelle. Comme nous le savons, le terme « Malais » (avec la majuscule) désigne un groupe de langues très étroitement apparantées, parlées dans six pays d’Asie du Sud-Est par environ 300 millions de locuteurs. Ses deux variantes standard, l’indonésien (bahasa Indonesia) et le malaisien (bahasa Malaysia souvent appelé bahasa Melayu), sont reconnues comme langues officielles et nationales dans quatre pays de la région. Nous désignons l’ensemble de ces pays de langue malaise par le terme de « Malayophonie ».
S’appuyant sur des recherches antérieures relatives aux politiques linguistiques nationales ou communes dans la Malayophonie, ce projet se concentre sur l’intelligibilité mutuelle et l’intercompréhension entre variantes ou dialectes du Malais, plus précisément ses variantes standards et une de ses variantes sous-standards (jakartanais). Il aborde également la question de leurs usages. En effet, bien que l’objectif premier soit de mesurer l’intelligibilité mutuelle, au plan purement linguistique, entre ces idiomes, ce projet veut aussi décrire, analyser et mieux comprendre les conséquences linguistiques de la mobilité humaine et de la circulation des produits culturels au sein de la Malayophonie. En effet, le déplacement donnant lieu à des interactions linguistiques accrues entre des locuteurs s’exprimant dans différentes variantes, la mobilité peut entraîner des changements dans les attitudes linguistiques des locuteurs, si ce n’est dans les langues elles-mêmes.
Ce projet n’aborde pas les politiques linguistiques nationales ou communes en tant que telles. Néanmoins, la Malayophonie faisant partie de l’ASEAN, ses chercheurs sont attentifs à la question sous-jacente de l’intégration linguistique au sein de cette institution régionale. Ils sont également conscients des tentatives pour attribuer des fonctions officielles au « Malais » (une langue commune putative qui reste à définir), et de son rôle par rapport à l’anglais. En d’autres termes, ils incluent dans leurs recherches la question d’une alternative aux deux modèles dominants que sont le multilinguisme théorique de l’UE et le monolinguisme anglais de l’ASEAN.
Sur le long terme, ce projet couvre quatre composantes dans les quatre pays de la « Malayophonie » : Brunei Darussalam, Indonésie, Malaisie et Singapour.
La première composante est la mesure de l’intelligibilité mutuelle à l’aide d’outils qui vont au-delà d’un simple exercice lexicostatistique. S’appuyant notamment sur des documents authentiques, écrits et audio(visuels), elle recourt à un matériel reproduisant ou correspondant à des situations réelles.
Le second volet s’intéresse aux représentations et aux conditions de diffusion du Malais par ses locuteurs, c’est-à-dire aux pratiques linguistiques en situation multilingue ou multidialectale. La mobilité humaine — les travailleurs migrants indonésiens vers la Malaisie, Singapour et Brunei ainsi que les touristes — n’est pas un phénomène nouveau dans le monde malais. Toutefois, ces mouvements s’effectuent désormais dans le cadre d’États-nations soucieux de les contrôler. A cela s’ajoute une résistance à l’émergence d’un sentiment d’appartenance à un groupe linguistique commun. Cette composante inclut la question de l’intercompréhension, une forme de communication multilingue où chaque locuteur utilise sa propre langue ou variante, sachant qu’elle n’est comprise par son interlocuteur que dans une certaine mesure.
La troisième composante est liée à la circulation des produits culturels à fort contenu linguistique : romans, littérature scientifique, chansons, films, programmes de télévision, etc. Elle examine les conditions de production de ces produits, les marchés auxquels ils sont destinés, leurs publics, leur réception et, enfin, leur accessibilité par la traduction intralinguistique ou interdialectale.
La quatrième et dernière composante est l’exploitation des mesures d’intelligibilité mutuelle pour développer et renforcer l’intercompréhension. Elle implique l’acquisition de compétences connexes, notamment dans le contexte de l’enseignement supérieur en ce qui concerne le Malais standard (indonésien et malais) enseigné dans les institutions européennes, nord-américaines, est-asiatiques et du Pacifique.
Partenaires
- Universiti Malaya, Faculty of Languages and Linguistics (Dr. Patricia Nora Anak Riget, Dr. Roshidah binti Hassan, Prof. Ahmad Kamil Bin Ghazali)
- Universitas Indonesia, Fakultas Ilmu Budaya (Dr. Sonya Puspasari)
- Universiti Brunei Darussalam, Faculty of Arts and Social Sciences (Dr. Fatimah binti Haji Awang Chuchu)
- IRASEC, Bangkok (Prof. Dr. Jérôme Samuel)